Des locataires peuvent faire face à toute sorte de problèmes dans leur logement. Qu’ils soient confrontés à des fourmis, des coquerelles, des souris, le bruit d’un voisin, un problème de chauffage, des senteurs de tabac, etc., la marche à suivre reste globalement très similaire d’un cas à l’autre. Cet article propose 6 étapes pour forcer des locateurs à faire des travaux. Il sera suivi de deux autres articles qui parleront des pièges à éviter et des ressources gouvernementales supplémentaires dans les cas les plus graves.

Auteur : Mᵉ David Searle

Mais d’abord, une mise en garde

Ce billet vise strictement à informer les intervenants juridiques. Le public qui lit ce texte est encouragé à l’approfondir en faisant sa propre recherche. Bien que nous tentons d’offrir un contenu juste en date de la publication, certaines informations risquent d’être incomplètes ou erronées.

De plus, ce contenu ne saurait constituer un avis ou une opinion juridique.

Finalement, les auteurs et réviseurs chez Justice décodée se dégagent de toute responsabilité pour tout préjudice qui peut résulter de l’utilisation de ce contenu qui est offert strictement à titre informatif.

À la base, le Code civil du Québec impose plusieurs obligations aux locateurs pour assurer la qualité de l’espace habité. En cas de problèmes dans le logement ou dans l’immeuble plus globalement, il y a quelques étapes essentielles que les locataires doivent suivre pour faire valoir leurs droits.

Notez que vaste majorité des causes de manque de salubrité ou de sécurité se règlent (heureusement) à l’amiable. Cela dit, se préparer pour l’éventualité d’un procès augmente les chances de succès lors des négociations. En effet, des locateurs porteront généralement plus attention aux revendications de locataires prêts pour un procès et risqueront d’être plus réactifs par rapport à leurs demandes.

Voici donc les 6 étapes essentielles que les locataires doivent connaître pour régler un problème d’insalubrité ou d’insécurité.

1. Documenter le problème

En droit, une cause se gagne ou se perd par la preuve. Si les locataires amènent éventuellement une cause devant le Tribunal administratif du logement (ci-après “TAL”), le fardeau reposera sur eux de convaincre le tribunal d’un manquement prévu au Code civil du Québec. De quoi peut-il s’agir ? La liste est infinie, mais pensons au bail de logement, aux échanges courriels, aux photographies, aux enregistrements vidéo ou sonores, aux rapports d’inspecteurs publics ou d’experts privés, etc. Ces preuves sont particulièrement utiles lors des négociations pour démontrer aux locateurs le bien-fondé des revendications des locataires.

2. Dénoncer le problème

Tel que déjà mentionné, la plupart des problèmes se règlent à l’amiable. Il va de soi que les locataires doivent d’abord communiquer avec les propriétaires.

Si possible, faire un premier contact de vive voix avec les locateurs. Une communication directe entre les parties permet souvent de résoudre les problèmes de compréhension de part et d’autre. Comme les paroles s’envolent et les écrits restent, il importe de faire également un suivi le jour même par écrit (courriel, SMS, …) avec les locateurs pour rappeler la teneur de la discussion. Par exemple : « Merci d’avoir pris le temps de répondre à ma demande. Je suis vraiment content que vous allez pouvoir faire venir un exterminateur cette semaine. »

3. Envoyer une mise en demeure

Si le problème n’est toujours pas corrigé dans un délai acceptable, envoyer une mise en demeure pour exiger des corrections. Cette lettre peut s’inspirer d’un modèle générique ou encore d’une version plus sur mesure (qui nécessitera certaines modifications).

Une mise en demeure doit

  • Décrire sommairement le problème dénoncé
  • Indiquer clairement la solution désirée, par exemple :
    1. La correction du problème
    2. Une diminution du loyer de X% depuis la mise en demeure ou de la première dénonciation écrite[1] et des dommages moraux de Y$ pour les troubles et inconvénients subis.
    3. Des dommages matériels en cas de pertes subies et des dommages punitifs lorsque les omissions reprochées s’inscrivent dans un contexte de harcèlement[2].
  • Prévoir un délai raisonnable pour répondre aux demandes (délai variable selon l’ampleur du problème et l’urgence)
  • Être envoyée d’une manière à prouver sa réception. C’est recommandé de l’envoyer par courriel et par courrier recommandé à l’adresse indiquée sur le bail (tout en gardant une copie de l’envoi et des preuves de réception).

4. S’inspirer des moyennes déjà accordées par le TAL

Que ça soit dans la mise en demeure ou dans la demande au TAL, les locataires peuvent s’inspirer des montants identifiés dans notre série sur les montants moyens accordés par le TAL.

5. Dénoncer le problème à la municipalité

Très souvent, les municipalités se dotent de règlements qui imposent des standards de salubrité et de sécurité. À la ville de Montréal, la liste de manquements prévue à son Règlement sur la salubrité, l’entretien et la sécurité des logements couvre de nombreux cas de figure[3]. Un problème d’infestation, de chauffage, d’accès, etc., peut faire l’objet d’une plainte, d’une enquête et de l’émission d’un constat d’infraction.

Dans le doute, contacter le service d’inspection de la municipalité pour obtenir leur soutien (en composant le 311 à Montréal). La municipalité demandera d’abord des preuves de l’envoi de la mise en demeure pour intervenir. Une fois qu’elles sont fournies et que le problème est constaté, la municipalité va exercer de la pression sur les locateurs pour qu’ils se conforment aux exigences réglementaires.

Typiquement, la municipalité commencera par envoyer un avis de non-conformité aux locateurs pour leur permettre de corriger la situation. En l’absence de correctifs, les locateurs pourront se voir imposer une amende (telle que pour un stationnement).

6. Déposer une demande devant le TAL

Les locataires ont aussi l’option, plus compliquée et coûteuse, de s’adresser au Tribunal administratif du logement pour revendiquer une correction de la situation. Cette dernière avenue a l’avantage de permettre une compensation pour les locataires en situation d’insalubrité ou d’insécurité. En contrepartie, plusieurs locataires hésitent avant de déposer une telle demande, de peur d’envenimer leurs relations avec leurs locateurs.

Notez que le TAL traite d’urgence les demandes qui réclament des ordonnances pour forcer les locateurs à corriger une situation dans un immeuble[4]. En moyenne, ces causes prennent 5 à 6 semaines pour être entendues de la date du dépôt de la demande au TAL. Il se peut même que la cause puisse être entendue plus rapidement. Le TAL fixera le procès dans des délais normalement plus courts si les demandeurs soulèvent dans les motifs de leurs demandes qu’ils subissent des menaces à leur santé ou à leur sécurité.

Pour rédiger et envoyer une demande au TAL, voici deux guides utiles.

Le CJPGM vous propose un guide qui explique globalement les 12 étapes pour se rendre devant un.e juge au TAL:  Comment ouvrir une demande : le Tribunal administratif du logement en 12 étapes. Et en anglais : Open an application: the Tribunal administratif du logement in 12 steps.

Les guides du CLPMR expliquent spécifiquement comment compléter les formulaires du TAL:

** Photo tirée des archives de la Ville de Montréal. L’Assomption les ruines du manoir de la seigneuresse Viger. CA M001 BM042-Y-1-P2544.

[1] La dénonciation écrite peut servir exceptionnellement de point de départ pour obtenir des diminutions de loyer des locateurs. Une diminution de loyer n’est normalement octroyée qu’à partir de la date où les locateurs ont reçu une lettre de mise en demeure. Or, le Code civil prévoit qu’un débiteur peut être en demeure de plein droit lorsqu’il « a clairement manifesté au créancier son intention de ne pas exécuter l’obligation » (1597 C.c.Q., al. 2.) Des locateurs peuvent être en demeure de plein droit et devoir payer une diminution de loyer suite à l’omission d’exécuter des travaux dans un logement pour lesquels ils ont déjà reçu une dénonciation écrite. Exemple : Ni c. Dagenais (Gestion immobilière Progim inc.), 2019 QCRDL 30929 (CanLII), <https://canlii.ca/t/j2nv3>, consulté le 2023-10-06.

[2] À titre d’exemple : Société en commandite 2083-2085 (2101-2117 St-Timothée) c. Roethlisberger, 2021 QCTAL 20717 (CanLII), <https://canlii.ca/t/jhn0p>, consulté le 2023-10-09

[3] 03-096.

[4] https://www.tal.gouv.qc.ca/fr/depot-d-une-demande/mise-au-role-d-une-demande

0 Comments

Submit a Comment

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *