Portrait des dommages moraux et diminution de loyer moyens accordés dans le contexte d’un problème de cigarettes

Auteur: Francis Moreau

Mais d’abord, une mise en garde

Ce billet vise strictement à informer les intervenants juridiques. Le public qui lit ce texte est encouragé à l’approfondir en faisant sa propre recherche. Bien que nous tentons d’offrir un contenu juste en date de la publication, certaines informations risquent d’être incomplètes ou erronées.

De plus, ce contenu ne saurait constituer un avis ou une opinion juridique.

L’auteur, Francis Moreau, n’est pas avocat au moment de la publication de ce billet et n’est pas autorisé à fournir des avis juridiques. Ce document contient donc une discussion générale sur une question juridique. Si vous avez besoin d’un avis juridique, veuillez consulter un.e avocat.e.

Finalement, les auteures et réviseurs chez Justice décodée se dégagent de toute responsabilité pour tout préjudice qui peut résulter de l’utilisation de ce contenu qui est offert strictement à titre informatif.

Introduction

Lorsque l’odeur de la cigarette du voisin incommode de façon moyenne la jouissance des lieux du locataire, le Tribunal administratif du logement accorde en moyenne 10% en réduction de loyer ainsi que 500$ en dommages moraux au locataire. Ces montants sont le fruit d’une recherche jurisprudentielle complétée en deux temps. Premièrement, des jugements qui compensent des locataires pour un trouble d’odeur de cigarette ont été ciblés. Deuxièmement, un analyse jurisprudentielle de ces jugements a été effectuée afin de dégager une tendance à travers la jurisprudence par rapport à quelques facteurs, soit : la réduction de loyer, le montant de dommages moraux et le nombre de mois de préjudices. L’analyse comprend 14 décisions où un juge du Tribunal administratif du logement conclut que la fumée de cigarette du voisin a nui à la jouissance des lieux du locataire. De plus, dans ces décisions, il est conclu que le locateur a failli à son devoir de régler ce problème.

Tout d’abord, il sera question d’une explication à savoir comment le chiffre de 10% de réduction de loyer a été obtenu. Par la suite, le même exercice sera fait en ce qui concerne le montant de 500$ en dommages moraux.

Diminution de loyer

Pour visualiser le tout, le graphique 1 illustre la réduction de loyer accordé par le juge dans les 14 décisions. Toutefois, quatre décisions (marqués par des triangles dans le graphique) comportent d’autres éléments de préjudices tels que la fumée de cannabis ou le bruit. Ainsi, ces dernières ont un impact moins important dans l’analyse, mais elles sont tout de même prises en compte.

Tout d’abord, à la suite d’une analyse des décisions comportant uniquement la fumée de cigarette comme élément de préjudices, une moyenne de 8% de réduction de revenu semble être accordée par le juge (voir Tableau 1). En ce qui a trait à la décision Houde c. O.M.H.M. les Habitations Gérard-Lefebvre (numéro 5), il est possible de remarquer que la réduction de loyer est de 28%, ce qui est élevé comparé aux autres décisions. Toutefois, dans cette affaire, il s’agit d’une réduction de seulement 50$ sur le loyer mensuel. Le pourcentage élevé est dû au faible montant du loyer de 178$ (50$/178$=28%).

Par ailleurs, la moyenne de réduction de loyer des 4 décisions comportant la fumée de cigarette et d’autres préjudices est de 21 % (voir Tableau 2). Toutefois, la décision Paré c. Cantin (numéro 13) influence énormément cette moyenne puisque la réduction accordée est de 48%. Cette décision ne semble pas être considérée comme étant d’une ampleur moyenne. Cela semble plutôt concerner une situation grave. En effet, les locataires allèguent que le voisin fume non seulement la cigarette, mais plusieurs autres substances telles que le cannabis, et ce, de façon démesurée. Ainsi, les locataires développent des problèmes de santé en lien avec la fumée secondaire. Pour ces raisons, il semble préférable de ne pas prendre en compte cette valeur de réduction dans cette analyse. Ainsi, celle-ci considère uniquement 3 décisions ne comportant pas uniquement de la fumée de cigarette comme préjudice. Il semble donc y avoir une moyenne pour ces dernières de 12 %.

Finalement, lorsque les décisions sont regardées de façon globale, il semble alors justifié de conclure qu’une perte de jouissance des lieux causée par de la fumée de cigarette du voisin peut mener à une réduction de 10 % du loyer.

Dommages moraux

Le même processus a été utilisé afin d’arriver au montant en dommages moraux que le locataire incommodé par la fumée de cigarette du voisin va être accordé en moyenne (voir Graphique 2).

Tout d’abord, en analysant les décisions qui incluent une réparation basée uniquement sur la fumée de cigarette, une moyenne de 468 $ est accordée par le juge du Tribunal administratif du logement (voir Tableau 3).

De plus, en analysant les décisions qui incluent non seulement la cigarette comme préjudices, il est possible d’observer une moyenne de 1750 $ qui est accordée (voir Tableau 4). Toutefois, ce résultat semble devoir être pondéré à la baisse. En effet, les décisions numéro 2 et 4 comportent des montants de dommages moraux excessivement élevés en l’espèce, soit respectivement 5000 $ et 2000 $. Ces deux montants doivent être nivelés vers le bas puisque ces derniers n’incluent pas uniquement une réparation pour la fumée de cigarette. La décision Pomier c. Hunter (numéro 2) regroupe une réparation pour la fumée de cigarette, la fumée de cannabis et le fait qu’il y a de la construction dans l’établissement ce qui explique le montant élevé de 5000 $. Il serait logique pour ce dossier d’attribuer 1000 $ du 5000 $ pour les dommages moraux uniquement reliés à la cigarette. De plus, la décision Elalami c. Dzomo (numéro 4) regroupe une réparation pour la fumée de cigarette et l’usage de cannabis. Il semble donc également logique d’attribuer 1000 $ du 2000 $ en dommages moraux à la fumée de cigarette seulement. Ainsi, une moyenne diminuée de 500 $ est obtenue pour les quatre décisions n’incluant pas uniquement la cigarette comme préjudice.

Finalement, en prenant en compte les deux moyennes obtenues dans les paragraphes précédents, il semble alors justifié de conclure que de la fumée de cigarette du voisin peut mener à une moyenne de dommages moraux de 500$.

Conclusion

À la suite de cette recherche jurisprudentielle, 14 décisions incluant une perte de jouissance des lieux due à la cigarette du voisin ont été trouvées. Cette recherche a permis d’avoir une vision globale sur l’ensemble du phénomène et de déterminer adéquatement la réduction de loyer et le montant en dommages moraux qui semble être normalement accordés pour un préjudice d’une ampleur moyenne. Ainsi, dans une telle situation, il y a en moyenne une réduction de loyer de 10% et une réparation en dommages moraux de 500$ accordés par le Tribunal administratif du logement.

 

** Photo tirée des Archives de la Ville de Montréal: Le 361 Boulevard Décarie, au coin de Notre-Dame-de-Grâce. Octobre 1928. VM166-R3209-2-009.

 

Rappel

Les renseignements apparaissant ci-dessus sont de nature générale et ont pour seul objectif de fournir à la communauté juridique des notions de base concernant le droit. En cas de doute, contactez un.e avocat.e qui pourra alors vous renseigner adéquatement compte tenu des circonstances propres à votre situation.

0 Comments

Submit a Comment

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *