Portrait des dommages moraux et diminution de loyer moyens accordés dans le contexte d’un problème de fourmis

Auteure: Elyse Lévesque

Mais d’abord, une mise en garde

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L’auteure, Elyse Lévesque, n’est pas avocate au moment de la publication de ce billet et n’est pas autorisée à fournir des avis juridiques. Ce document contient donc une discussion générale sur une question juridique. Si vous avez besoin d’un avis juridique, veuillez consulter un.e avocat.e.

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  1. DESCRIPTION DU MANDAT DE RECHERCHE

La présente recherche offre un portrait des dommages moraux et diminutions de loyer moyens accordés dans le contexte d’un problème de fourmis d’ordre moyen.

  1. RÉPONSE COURTE

Il semble raisonnable, selon la jurisprudence consultée, d’affirmer que la réduction moyenne octroyée est de 10% du prix mensuel du loyer. Pour ce qui est des dommages moraux, la somme généralement admise est de 500$.

  1. ANALYSE

Aux fins de notre analyse, un tableau des jugements pertinents se trouve à la fin de cette recherche. Les jugements retenus ci-bas présentent uniquement un problème de fourmis, afin de bien isoler cette nuisance des autres causes où des dommages globaux sont octroyés pour diverses nuisances s’additionnant aux insectes (moisissure, réparations nécessaires, etc.).

La recherche est présentée ici en ce qui a trait aux différentes sources de droit pertinentes au mandat, soit les dispositions législatives et la jurisprudence. Les obligations du propriétaire d’un logement loué sont les suivantes : offrir au locataire un logement propre et habitable, lui en procurer la jouissance paisible et faire l’entretien et les réparations nécessaires (art. 1854 C.c.Q.) ainsi que de le maintenir en état d’habitabilité (art. 1910 C.c.Q.). Il s’agit d’obligation de résultat ou de garantie.

Lorsqu’il y a manquement à ces obligations, le locataire est en droit de demander une diminution de loyer pour la période durant laquelle le locateur n’exécute pas ses obligations (art. 1863 al. 2 C.c.Q.). Cette mesure vise à rééquilibrer les prestations des parties et doit être évaluée de manière objective, globale et équitable[1]. La locataire est également en droit de demander des dommages moraux lorsque le locateur fait preuve de négligence.

Notons que le Tribunal administratif du logement (ci-après TAL) précise, dans le jugement Groupe Mindev c. Trudeau-Dion & Crawford[2], que le problème doit être de l’ampleur d’une infestation afin de pouvoir obtenir une diminution de loyer et des dommages moraux. La juge administrative Isabelle Guiral retient les propos d’un jugement concernant une infestation de puces (St-Laurent c. Auger[3]) :

« [38] La seule présence d’insectes ou de vermine n’est pas automatiquement synonyme de diminution de loyer et de dommages accordés.

[39] Il faut être en présence d’une infestation, la présence de quelques insectes ne justifiant pas en soi l’octroi d’une diminution de loyer ou de dommages.

[40] Une fois démontrée, une infestation dans un logement constitue une nuisance importante. Elle s’évalue objectivement et ne dépend pas de la tolérance personnelle des individus.

Le jugement Lavergne c. Yassa[4], repris par la doctrine[5], confirme que la présence de quelques insectes ne suffit pas à accorder une diminution de loyer. Il faut considérer dans l’analyse le lieu, la saison, et le type d’insectes. En effet, selon le tribunal, les fourmis ne présentent pas de nuisances graves, tout comme les abeilles et les guêpes ; ainsi, une intervention pour les contrôler pourrait être suffisante, sans ordonner une diminution de loyer. Il faut que le problème soit grave, persistant et sérieux[6].

Par ailleurs, afin de pouvoir obtenir une réduction, un locataire devrait avoir dénoncé préalablement le problème au locateur, et ce, dans un délai raisonnable (art. 1866 C.c.Q.), faute de quoi il pourrait être plus ardu d’obtenir gain de cause devant le TAL.

De plus, pour se voir octroyer des dommages moraux, un locataire devra faire la preuve que sa vie a été impactée. Tel que l’explique la juge Chantale Trahan, « ce type de dommages vise à compenser le stress, les inquiétudes, la fatigue et les troubles et inconvénients de toutes sortes qu’a pu éprouver la partie lésée. »[7] Par exemple, si la sorte de fourmis dans le logement est de celles qui piquent ou provoquent des impacts sur la santé, les dommages pourraient être plus faciles à obtenir. Également, il semble que plus le problème persiste dans le temps, plus les dommages sont élevés. Par ailleurs, un locataire pourrait aussi réclamer pour ses pertes telles que la nourriture ou les frais de ménage (Lauriault c. Martineau ; Robillard c. Pergass[8]).

 

  1. TABLEAU DE LA JURISPRUDENCE

 

Titre Date Type de fourmis Dommages moraux $ Diminution de loyer $
Rajab c. Gervil 25 mars 2022 S/O Aucun 30$/mois (loyer 510$/mois) = 17%
Testouri c. Richer Dalbec 19 janvier 2022 S/O

500$

 

10%
Groupe Mindev c. Trudeau-Dion 6 janvier 2021 S/O Aucun 10%
Lauriault c. Martineau 21 octobre 2021 Fourmis charpentières

100$ moraux +

260$ pour le ménage

Somme forfaitaire de 500$ pour 5 mois (loyer de 475$ par mois) = 21%
Girard c. Cofré 17 février 2020 Fourmis pharaons Aucun Aucun
Pasquier c. Structures métropolitaines 4 décembre 2020 S/O Aucun Somme globale de 800$ pour 8 mois (loyer de 1420$/mois) = 14%
Lapointe c. 9225-0141 8 juillet 2019 Fourmis « de bois qui piquent ». Aucun[9] 25%
Fluet c. Picard 19 mai 2016 S/O 1500$ 1000$ pour 21 mois (loyer de 480$/mois) = 10%
Michaud c. Groupe André-Laurendeau 19 novembre 2015 S/O 50$ + Indemnité additionnelle (art. 1619 C.c.Q.) 70$ (15%)
Robillard c. Pergass 19 janvier 2012 Fourmis pharaons 1816$ incluant perte d’aliments 90,80$/mois pour 16 mois, loyer de 908$/mois = 10%

     

    **Photo tirée des Archives de la Ville de Montréal: Célébrations de la Saint-Jean-Baptiste sur le mont Royal en juin 1976. Journée du 26 juin. Photographie de Marc Degryse. P176-01-01-D025-037.

    [1] Denis Lamy, La diminution de loyer, Wilson & Lafleur Ltée, 2004, p. 29-30.

    [2] Trudeau-Dion c. Groupe Mindev inc. , 2020 QCTAL 3095 ;

     

    [3] St-Laurent c. Auger, 2017 QCRDL 36797

    [4] Lavergne c. Yassa, R.L. de Hull, n° 22-990203-015 P 990506 et n° 22-990203-015 A et n° 22-990204-019 G, le 7 juillet 1999

    [5] Supra note 1, p. 96

    [6] Girard c. Cofré, 2020 QCRDL 5681

    [7] Lauriault c. Martineau par. 34, 2021 QCTAL 26822

    [8] Robillard c. Pergass, 2012 CanLII 150419 (QC TAL)

    [9] Au par. 41 : « La preuve quant aux dommages moraux réclamés n’est toutefois pas prépondérante, alors que certains inconvénients sont compensés par la diminution accordée. »

    Rappel

    Les renseignements apparaissant ci-dessus sont de nature générale et ont pour seul objectif de fournir à la communauté juridique des notions de base concernant le droit. En cas de doute, contactez un.e avocat.e qui pourra alors vous renseigner adéquatement compte tenu des circonstances propres à votre situation.

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