La Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation, le nom officiel du projet de loi 31 maintenant sanctionné (et ci-après « la Loi sur l’habitation ») vient porter des changements significatifs en droit locatif au Québec.

Cette série de billets vise à clarifier comment la Loi sur l’habitation affectera cette crise et les droits des Québécois, locataires comme locateurs. Nous analyserons d’abord les modifications qui touchent au loyer (1), suivi de l’éviction, de la démolition et de la reprise (2), des obligations des locateurs de maintenir la salubrité et la sécurité d’un logement (3), de la sous-location et de la cession du bail (4), du logement étudiant (5), ainsi que de divers changements importants d’ordre procédural (6). Seront exclues de l’analyse les modifications plus urbanistiques qui visent à stimuler l’offre en matière locative et qui ne touchent pas directement le droit du logement.

Auteur : Mᵉ David Searle

Mais d’abord, une mise en garde

Ce billet vise strictement à informer les intervenants juridiques. Le public qui lit ce texte est encouragé à l’approfondir en faisant sa propre recherche. Bien que nous tentons d’offrir un contenu juste en date de la publication, certaines informations risquent d’être incomplètes ou erronées.

De plus, ce contenu ne saurait constituer un avis ou une opinion juridique.

Finalement, les auteurs et réviseurs chez Justice décodée se dégagent de toute responsabilité pour tout préjudice qui peut résulter de l’utilisation de ce contenu qui est offert strictement à titre informatif.

La clause F et le loyer des nouveaux logements

Le premier article de la Loi sur l’habitation vient modifier l’article 1955 C.c.Q. Cet article permet déjà à un locateur d’un logement situé dans un immeuble nouvellement bâti ou dont l’utilisation à des fins locatives résulte d’un changement d’affectation récent, de hausser le loyer en dehors des en dehors des normes établies par le Règlement sur les critères de fixation de loyer du TAL, et ce pendant les cinq (5) premières années suivant la date à laquelle l’immeuble est prêt à être utilisé à des fins locatives. 

Le projet de loi vient quelque peu restreindre les augmentations de loyer possibles pendant cette période de cinq (5) ans. En fonction de la nouvelle version de l’article 1955 C.c.Q., les locateurs pourront toujours demander une augmentation de loyer en suivant le marché pendant les cinq premières années suivant l’habitabilité du logement. Par contre, ils devront obligatoirement préciser, dans le bail, le seuil maximal que le loyer pourrait éventuellement atteindre durant cette même période.

La nouvelle version de l’article de loi se lit comme suit (l’ajout est sous-ligné) :

1955. Ni le locateur ni le locataire d’un logement loué par une coopérative d’habitation à l’un de ses membres, ne peut faire fixer le loyer ni modifier d’autres conditions du bail par le tribunal.

De même, ni le locateur ni le locataire d’un logement situé dans un immeuble nouvellement bâti ou dont l’utilisation à des fins locatives résulte d’un changement d’affectation récent ne peut exercer un tel recours, dans les cinq années qui suivent la date à laquelle l’immeuble est prêt pour l’usage auquel il est destiné.

Ces restrictions ne peuvent être invoquées à l’encontre du locataire par le locateur que si elles sont prévues dans le bail et, lorsqu’il s’agit d’un logement visé au deuxième alinéa, que si le bail indique le loyer maximal que le locateur pourra imposer dans les cinq années qui suivent la date à laquelle l’immeuble est prêt pour l’usage auquel il est destiné.

Ces règles ne s’appliquent pas dans le cas d’un logement qui a fait l’objet d’un changement d’affectation visé à l’article 1955.1.

Cette modification est entrée en vigueur le 21 février 2024.

Illustration

Prenons le cas d’une locatrice qui, le 1 mars 2024, souhaite offrir à louer un logement nouvellement bâti et fin prêt pour l’usage au prix initial de 1500 $. Elle souhaite augmenter le loyer de 20 % par année pour les quatre prochaines années, plutôt que suivre les règles de fixation établies par le TAL. Pour pouvoir bénéficier de l’exception prévue à 1955 C.c.Q., elle doit :

  1. Compléter la clause F du bail, pour amener l’existence de cette exception aux règles de fixation de loyer à l’attention des locataires;
  2. Faire part aux locataires potentiels du montant maximal que pourra atteindre le loyer pendant cette période de cinq (5) ans (dans ce cas-ci 3 110 $). En attendant la mise à jour du formulaire du bail, le TAL met ce modèle d’avis à la disposition des locateurs.

Si elle ne complète pas ces démarches, son locataire pourra éviter l’application de cette exception et demander que son loyer soit fixé par le Tribunal. 

En dernier lieu, notons qu’un locataire qui a signé un bail pour un logement nouvellement bâti avant le 21 février 2024 et dont l’immeuble est prêt à l’usage avant cette date ne pourra pas invoquer la nouvelle version de l’article 1955 C.c.Q.

 

Commentaires

La crise de l’habitation n’aurait pas son ampleur actuelle si les loyers cessaient de monter en flèche. Est-ce que ces réformes sauront aplanir la courbe ?

Nous croyons que la réforme à la clause F n’aura pas nécessairement cet effet, car elle ne vient pas limiter les augmentations possibles à l’intérieur des cinq (5) premières années suivant la date à laquelle l’immeuble est prêt à être utilisé à des fins locatives. Tout au plus, la réforme à la clause F risque de rendre les locataires mieux informés des risques qu’ils courent en signant un bail dans un logement nouvellement offert sur le marché.  

** Photo tirée des Archives de la Ville de Montréal. Construction des Habitations Jeanne-Mance, Ontario et Grubert vue sud-est Avril 1959. CA M001 P127-D04-P003.

11 Comments

  1. Sylvie Campeau

    Bonjour
    Nous avons signé un bail pour un immeuble construit en 2022
    La signature du bail est datée du 19/02/2024 pour occupation au 1/07/2024
    Il n’y a donc pas eu inscription d’un montant maximal à prévoir

    Pourrions nous exiger un tel avis compte tenu que le projet de loi était imminent lors de la signature et que le bail débutait pour le 1er juillet ?

    Merci

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    • David Searle

      Excellente question ! Je vous inviterais à prendre contact avec le comité logement ou le Centre de justice de proximité de votre secteur pour une réponse complète à votre question.

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  2. john coffey

    ………………… J’ai (locateur) signé un bail le 1 mai 2023 pour une période de douze mois. J’avais coché la case F indiquant que l’affectation de l’immeuble avait changé et qu’elle était prête pour l’habitation résidentielle la même journée. Précédemment, elle servait de bureau et de cuisine commerciale.

    En 2024, je n’ai pas envoyé d’augmentation, donc le bail se renouvelait automatiquement le 1 mai 2024 jusqu’au 30 avril 2025.

    Je sais que depuis le 21 février 2024, plusieurs dispositions du Code civil du Québec ont changé depuis cette date ou à certaines conditions, dont celle qui oblige le locateur à déclarer un loyer maximum exigé que le locataire pourrait payer par la suite. Ce 20 janvier 2025 prochain, je veux envoyer une augmentation de 30% $1500 + 450 = $ 1950 pour une maison 4 chambres en plein centre-ville. À ce montant, je suis encore en bas du marché, car les maisons à louer sont très rares dans ce secteur. C’est une maison de 275,000$.

    Le TAL indique qu’il n’intervient pas si une des 2 cases à la section F est cochée, ici il y a chevauchement dans les dates, je voudrais savoir s’il y a des mesures transitoires qui s’appliquent dans mon cas pour savoir si je suis dans mes droits et s’il y a d’autres procédures (recourt) pouvant être entendu contre moi devant d’autres tribunaux ?

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    • David Searle

      Sans prendre position sur votre question, nous vous invitons à prendre connaissance de la loi 31 qui vient changer le droit en la matière: https://www.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/lois_et_reglements/LoisAnnuelles/fr/2024/2024C2F.PDF
      – Vous trouverez à l’article 9 les modifications à l’article 1955 et à l’article 84 les baux auxquels s’appliquent ces changements. Bonne lecture, et en cas de doute, consultez des avocats !

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      • Johanne Bouchard

        Bonjour,
        Nous avons signé un bail en avril 2021 pour un édifice en construction dons la date d’occupation des premiers locataires étaient 15 juillet 2021 pour le 1er étage, 30 juillet 2e étage, etc. Ayant choisi un logement au 5e notre date de prise de possession était le 15 septembre 2021. Le logement n’étant pas prêt on nous a loué temporairement un au 2e. Finalement on nous a livré au 5e en novembre 2021. La clause F est coché sur le bail avec date du 15 juillet pour prête à l’habitation.
        Question: EST-CE QUE L’AUGMENTATION QUE L’ON A RECU LE 1ER JANVIER 2025 ET QUI SERA EFFECTIVE LE 1 JUILLET 2025 AU 30 JUIN 2026 EST LA DERNIÈRE FAISANT PARTIE DU 5 ANS?
        SI OUI LES PROCHAINES A COMPTER DU 1ER JUILLET 2026 SERAIENT SELON LES SUGGESTIONS DU TAL…
        MERCI BEAUCOUP

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        • Francine Mongeau

          Je suis intéressée à connaître la réponse donnée à Johanne Bouchard et Jacques Riendeau quant au calcul de la période de 5 ans.
          Notre bail a aussi été signé le 01 mai 2020 pour occupation le 30 juin 2020. Des retards dûs à la Covid ont remis la prise de possession du logement au 15 juillet 2020.
          Pour le renouvellement du 01 juillet 2025 au 30 juin 2026, le propriétaire peut-il nous augmenter sans droit de refus?

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  3. Jacques Riendeau

    Bonjour
    Pouvez-vous m’expliquer comment se calcule la période de 5 ans qui fait que le prix d’un loyer est exempt au Règlement sur les critères de fixation de loyer du TAL?
    La période de 5 ans pour un immeuble prêt à l’habitation le 1er juillet 2020 se termine-t-elle le 30 juin 2025, le 1er juillet 2025 étant le 6e anniversaire, donc plus de 5 ans?

    Merci

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  4. Gaétane Cormier

    peut-on augmenter un loyer tout les ans ,comme le locateur veux bien en dépassant les pourcentage de chaque année que la régie mentionne parce que le logement à pas 5 ans exemple la première année $150/mois de plus , la deuxième année $200./mois de plus la 3 ieme année $150/mois jusqu’a ces 5 années consécutif ou s’il à le droit seulement d’une augmentation 1 fois durant les 5 premières années d’un gros montant. les autres années avant suivre les augmentation de la régie. Merci

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  5. Sylvie Boudreault

    Bonjour, si j’ai bien compris, que ce soit maison ou bloc appartement construit dans les derniers 5 ans ,,,, la section F est cochée par son proprio,,,,,
    Bref, tu es obligé de payé son taux d’augmentation annuel à son choix, sinon tu quittes ?

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    • David Searle

      Merci pour votre question Mme Boudreault. Pour confirmer le tout, je vous inviterais à prendre rendez-vous au centre de de justice de proximité ou comité logement de votre secteur. Bon succès !

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  6. Gabriela

    Bonjour! J’aimerais savoir si la 31 rentre en vigueur lorsqu’un immeuble a été rénové au complet, mais que la coquille extérieur est demeuré un duplex et que ces nouvelles fonctions d’habitation sont toujours un duplex? Est-ce que ce duplex est alors considéré comme une “construction neuve”?

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